Bloque Depresivo

Bloque Depresivo

Le combo intimiste du leader des populaires Chico Trujillo. Une ode intense à la musique traditionnelle sud-américaine.

Si la cumbia règne sur les bals populaires de nombreux pays d’Amérique latine, le boléro y est la musique par excellence des bars de quartier qui ne ferment jamais et des soirées de bohème entre amis. Ce genre de chansons sentimentales, né à Cuba à la fin du XIXe siècle et diffusé à travers tout le continent depuis les années 1930, marque de son empreinte l’imaginaire de plusieurs générations d’hispanophones, toutes nationalités et classes sociales confondues. « C’est une musique qui fait partie du paysage quotidien au Chili, en particulier dans le port et la région de Valparaíso d’où je viens, explique le chanteur Aldo “Macha” Asenjo. On finit tous par se retrouver certains soirs dans l’un de ces petits bars où jouent des duos ou des trios traditionnels de guitares, qui interprètent ces mélodies extraordinaires que la plupart des gens connaissent depuis toujours ».

Héraut de la vitalité d’une cumbia infusée d’éner­gie rock, le groupe chilien Chico Trujillo que dirige “Macha” Asenjo, avait jusqu’ici coutume de ponctuer ses concerts survitaminés d’une poignée de titres romantiques, tour à tour tendres ou dramatiques, de sorte à entraîner son public dans l’univers intimiste du boléro et de ses différentes variétés régionales. Une séance d’exorcisme émotionnel à l’autel de la passion et du désenchantement amoureux, que le chanteur choisit désormais d’approfondir en lui consacrant un projet à part entière, fort ironiquement baptisé Bloque Depresivo (« Bloc Dépressif »). Comme ce fut le cas de Chico Trujillo, cette nouvelle aventure naît au départ d’une expérience informelle entre “Macha” et quelques amis qui se sont retrouvés en marge d’une tournée européenne, à reprendre des chansons populaires à la guitare sèche pour conjurer le mal du pays. « La distance permet de mieux apprécier ce qu’on a chez soi, souligne “Macha”. Et je pense aussi qu’on s’intéresse davantage à sa propre histoire avec l’âge. J’ai découvert récemment une photo de mon arrière-grand-mère posant avec une guitare dans les bras. On m’a appris qu’elle adorait en jouer, peut-être les mêmes chansons que Bloque Depresivo aujourd’hui ».

Composé de musiciens issus de plusieurs formations emblématiques de la scène chilienne (Chico Trujillo mais aussi Inti-Illimani Histórico et La Chilombiana), le collectif Bloque Depresivo a donc commencé par élaborer son répertoire autour de quelques classiques et autres perles rares du chansonnier romantique latino-américain, comme le boléro Quémame los ojos du Cubain Nelson Navarro, la ballade Lo qu’un día fue no será du Mexicain José María Napoleón ou encore la magnifique valse péruvienne Regresa de Lucha Reyes. « J’ai appris certaines de ces chansons au contact de vieux musiciens de Valparaíso, précise le leader. D’autres viennent de ma collection de disques vinyles, qui n’arrête pas de s’enrichir de nouvelles trouvailles ». Un travail d’archéologue dont le chanteur s’inspire aussi pour développer ses propres compositions dans la meilleure tradition du genre, à l’instar des thèmes Sin excusas et Mira si no he de venir. Accompagné d’un écrin acoustique de guitares virtuoses et de percussions, le charismatique “Macha”, jusqu’ici surtout connu pour ses talents de showman survolté, révèle avec Bloque Depresivo de subtiles qualités de crooner « almodovarien », capable de transmettre de sa voix de velours toute la fureur feutrée des mélodrames en miniature que contiennent ces chansons.